Les nouvelles d’Entraides Citoyennes
Pendant le confinement, les maraudes continuent ! Nous effectuons actuellement deux maraudes par semaine, le mercredi et le samedi, afin de répondre aux besoins, toujours aussi nombreux, des personnes à la rue ou en situation de grande précarité.
Nous tenons à remercier tout particulièrement tous les bénévoles qui s’impliquent auprès de nous, avec beaucoup d’énergie et de volonté, en cette période difficile.
Nous remercions également nos partenaires qui nous permettent de préparer au mieux nos maraudes :
– Pour les denrées : La Cure Gourmande, Les Jardins de Saint-Germain, Carole Amistani et sa coopérative,Linkee, Kelbongoo, Grains de Sel, Phenix, Intermarché Alfortville ainsi que notre ami Mohamed.
– Pour les masques : Marie-dominique TABARD pour ses masques cousu main, Le Grand Atelier de Pantin, le Samu Social ainsi que Mohamed du Landy.
Si vous souhaitez nous soutenir vous pouvez également :
– Adhérer à l’association : Devenir membre d’Entraides-Citoyennes vous permet d’avoir droit de vote lors des Assemblées Générales annuelles, et donc de participer aux décisions qui concernent l’association et les actions menées. Ce soutien ne vous engage à rien mais – en plus de nous faire très plaisir ! – nous permet d’avoir plus de poids dans nos démarches administratives et auprès de nos partenaires.
L’adhésion se fait sur l’année civile et nécessite une cotisation de 5 euros, payable en ligne grâce à ce formulaire HelloAsso.
– Faire un don régulier : Notre association ne fonctionne que grâce à l’énergie de ses bénévoles et aux dons qu’elle reçoit : en nature ou financiers.
Les dons d’argent réguliers nous permettent de sécuriser notre trésorerie et de prévoir nos budgets sur le long terme. Ils nous sont donc particulièrement utiles.
Vous pouvez mettre en place un virement mensuel du montant de votre choix grâce au formulaire de don disponible sur notre page HelloAsso.
Avec seulement 2 euros par mois, vous nous permettez déjà d’offrir six repas chaque samedi soir ! Les principaux coûts sont l’achat des denrées que nous ne récupérons pas en quantité suffisante grâce aux collectes d’invendus (les oignons en particulier !), l’achat de vaisselle pour les distributions ainsi que la location de notre box.
– Faire un don en nature : Nous avons besoin de couvertures/duvets, jeans, baskets et tee-shirts homme, sous-vêtements homme, chaussettes, brosses à dents, dentifrice. Pour la préparation du repas chaud nous avons également besoin de légumes (frais si possible) ainsi que de légumineuses (lentilles, haricots rouges ou blancs…) et de sel en grands contenants.
Quelques infos
Dès la mi-mars, avant même le confinement, nombre d’associations interpellaient déjà le gouvernement sur les risques encourus par les personnes sans-abris, plus fragiles car souvent porteuses de maladies chroniques et d’autant plus exposées car à la rue. Avec la mise en place des mesures de confinement, impossible à appliquer pour ces dernières, la situation est rapidement devenue très inquiétante, notamment en raison de la fermeture d’un grand nombre d’associations et de dispositifs d’accueil ainsi que la désertion des rues de tous ses passants laissant les personnes sans-abris livrées à elles-mêmes. Pourtant rien ne semblait avoir été envisagé par les autorités… En réaction à la mobilisation des associations et des citoyens, le gouvernement a finalement annoncé, le 21 mars, la réquisition de 2000 chambres d’hôtel ainsi que l’ouverture prochaine de centres de confinement covid-19 pour les personnes SDF atteintes mais ne relevant pas d’une hospitalisation. Dans ce cadre, le 24 mars, 700 personnes ont été évacuées du campement d’exilés de la porte d’Aubervilliers pour être mises à l’abri. Il en a été de même pour un certain nombre de personnes un peu partout dans Paris, principalement les plus âgées et les plus fragiles. Si le gouvernement a finalement réquisitionné quelques places dans des hôtels, la majorité des personnes mises à l’abri à Paris ont été placés dans des gymnases où les mesures d’hygiène ne peuvent être assurées, et beaucoup demeurent encore à la rue. Une grande partie des associations s’est petit à petit organisée pour continuer à apporter une aide aux personnes à la rue pendant la période de confinement.
Cependant, la situation demeure particulièrement difficile pour beaucoup en raison notamment :
– des contrôles policiers fréquents, et parfois violents. De nombreux exilés nous ont rapporté avoir trouvé leurs tentes lacérées par les forces de l’ordre. Le mardi 7 avril, des exilés se trouvant sur un campement à Aubervilliers ont été chassés par les policiers leur intimant de retourner à Paris, d’où ils avaient déjà été chassés auparavant. La majorité de leurs tentes et affaires a été détruite et jetée à la benne.
– d’un difficile accès à l’eau (beaucoup de fontaines seraient actuellement fermées), de plus en plus de personnes se plaignent d’être assoiffées. – d’un difficile accès aux toilettes publiques (beaucoup seraient également fermées en raison d’un droit de retrait exercé par le personnel de l’entreprise en charge de l’entretien)
– et parfois également d’un accès limité à la nourriture.
Par ailleurs, le sentiment d’abandon par l’Etat et d’isolement face à la société est encore plus présent pour ces personnes qui se retrouvent seules à la rue sans solution.
Pour aller plus loin, deux pétitions à soutenir :
– « Mais pour rester chez soit il faut un chez soi » + la mise à jour ici – « Fermez les centres de rétention »
Pour trouver toutes les infos et adresses utiles aux sans-abris et SDF en cette période de pandémie, consultez le guide la Croix-Rouge ici
Récits de maraude
Maraude du 28 mars :
En ville, parcours avec Fred, Nikita, Clément et Jérémy. Grosse distribution à Marcadet-Poissonnier, on a vidé les ¾ de la gamelle, idem pour les fringues et l’hygiène. Plusieurs départs retardés avec l’arrivée de nouvelles personnes ayant faim, soif, froid. D’ailleurs un gros coup de vent s’est levé, ce qui en a excité plus d’un ! Mais on est toujours bien accueillis, la soupe à la viande (hallal) encore plus que d’habitude, et les discussions vont bon train. On distribue les fiches regroupant les points parisiens pour manger, se laver, obtenir des soins, en ces temps de confinement.
A un moment, une femme d’une soixantaine d’année seule au milieu de tous, se met à pleurer. On lui demande si elle a besoin de quelque chose, elle répond que non, elle ne manque de rien, elle habite le quartier, elle pleure sur sa découverte de la misère à côté de chez elle et sur son impuissance. On lui dit que parler à ces personnes, quand elle passe pour rentrer chez, elle ça serait déjà bien, ce serait considérer qu’ils existent. Elle nous dit « c’est tout ? ». Elle nous envoie des baisers, repart, revient… pleure… Elle était aussi perdue que la plupart des habitués du lieu.
On reprend les voitures. On roule sur Ordener. On retrouve juste avant la mairie du 18, un habitué (Pierre) allongé dans le sas de la banque de la Caisse d’Épargne depuis plusieurs semaines déjà, le pied blessé. Il a déjà été à l’hôpital mais ne veut pas y retourner. On lui propose l’aide d’infirmiers mobiles (Christophe Soigneur et les Street Medic). Mais il refuse.
Direction Magenta, on s’arrête sous le métro Barbès où un Tamul a pris place depuis plusieurs semaines avec tout son barda, il est content de voir la soupe chaude arriver. Puis, nous rencontrons un grand monsieur tout sourire enveloppé dans sa couverture multicolore assis sur un banc, qui prend tout ce qu’on lui propose. Puis un grand-père, Martiniquais, un peu plus bas, affolé car il ne retrouve plus le gymnase de confinement où il a l’autorisation de dormir. Il est asthmatique, a deux prothèses de hanche… il veut nous les montrer on lui dit que ça n’est pas la peine. Clément et Jérémy l’installent dans leur voiture et avec le GPS on trouve le gymnase (derrière la médiathèque Françoise Sagan, photo pièce jointe). Il était tellement content de retrouver sa place.
On rencontre ensuite un monsieur à l’angle de Magenta et Sébastopol, il ne s’est pas changé depuis 3 mois (il insiste !). On lui donne nos derniers pantalon, tee-shirt, paire de chaussettes et une veste (que Jérémy et Clément ont trouvée dans la rue juste avant!)On s’est ensuite dirigés vers rue du Temple pour voir quelques habitués, dont John Café et ses innombrables sacs entassés toujours dans le même abris-bus, qui attend que la mairie passe pour le mettre dans un hôtel le temps de l’épidémie. Du côté de Beaubourg, on a vu Astérix ! Et sa chienne Isis, rencontrés le mercredi précédent. Il se préparait un frichti à base de viande hachée dans une casserole offerte par un habitant du coin. Son feu : 2 boîtes de conserve vides et trouées avec de l’essence au fond… Astérix est originaire d’Angers, il a une page facebook où il répertorie les plans solidaires de Paris. Quelques jours avant on lui avait éventré sa tente et volé 2 valises. Il se déplaçait avec une nouvelle valise remplie de boîtes de conserve récupérées à un point de distribution.
Un gars qu’il connaît débarque, en manque d’alcool et de substances autres, il salive beaucoup, plutôt agressif. On discute (plus ou moins avec lui), il se calme un peu, puis repart, il ne veut rien de ce qu’on lui propose. Il ne nous reste plus de soupe, quasiment plus d’hygiène ni vêtements. Un court passage du côté de Rivoli pour apporter une paire de chaussures à un Polonais vu mercredi dernier. On rencontre à la même occasion un très jeune gars, qui prend un café, des fruits, des madeleines, et qui à chaque fois nous dit « magnifique ! », il repart aussi vite qu’il était apparu.
Il ne nous reste plus rien, on repart.
Christelle
Maraude du 1er avril :
Nous partons direction rue Saint Martin où nous distribuons nos premières soupes, nous arrivons à Beaubourg où nous retrouvons des habitués sous une galerie, ils sont ravis d’avoir un repas chaud surtout que de l’avis de tous la soupe est délicieuse ! Certains prennent un deuxième bol.
Nous continuons vers rue Victoria ou nous retrouvons Carlos et sa copine Mimi ainsi que leur amis dont Nicolas très content de nous voir et à qui nous remettons un sac à dos, là encore le constat est le même la soupe est excellente ! Ils en redemandent. Nous discutons un peu, distribuons également café, thé et quelques vêtements. Après une discussion rapide avec une bénévole de la bagagerie voisine, nous reprenons la route.
Direction le début de Rivoli ou nous finissons la gamelle, la rue est vide du coup on nous voit de loin et les gens viennent à nous, pas besoin de se déplacer ! Près du BHV, on retrouve des habitués et là encore on nous dit que la soupe est vraiment bonne.
Christophe et son équipe de street-médic rencontrés lors de précédentes maraudes s’arrêtent pour nous saluer, on rigole bien surtout en les voyant sortir de leur voiture avec leurs combinaisons et leurs masques à gaz, on en profite pour faire une photo de groupe puis ils repartent.
Nous croisons plusieurs groupes de personnes qui sont tous ravis de profiter d’un petit bol de soupe et discuter quelques instants.
Nous finissons en beauté avec Kader dit « Black Snake », un adorable monsieur qui tenait à remercier et passer à un message à tous les bénévoles d’EC dont « les mains de l’ombre » (ce sont ses mots) qui ne sont pas présents en maraude et sans qui rien de tout ça n’aurait pu advenir. Nous enregistrons donc une petite vidéo. Selon lui, la soupe est merveilleuse mais « pas aussi sucrée que nos sourires » !
Nabil
Nous espérons vous (re)voir très vite dans le cadre de nos actions !